214 - Comment avoir le mal du pays en dix leçons
1. Réalisez que la dernière fois que vous avez parlé français (pas écrit, non, parlé) était au téléphone il y a dix jours, la dernière fois que vous avez appelé votre petite maman.
2. Sentez les larmes monter à vos yeux au rayon boucherie parce que
voir du gigot d'agneau vous fait penser à l'agneau de Sisteron (et à
l'abattoir en bas de chez vous).
3. Soyez incapable de donner le prix exact du ticket de métro parisien,
parce que ça fait trop longtemps que vous ne l'avez pas utilisé.
4. Faites un tour sur vos blogs préférés, laissez trois commentaires
débiles, réalisez qu'il s'agit là de votre plus fidèle fenêtre sur la
France (avec le site de libé tant qu'il est encore gratuit), insistez
lourdement sur l'aspect pathétique de la chose.
5. Allez faire les magasins. Tombez sur des sous-vêtements en tailles
européennes. Veillez à être obligée de faire la conversion depuis la
taille américaine que vous savez porter.
6. Demandez-vous à quelle heure le soleil peut bien se coucher dans votre ville natale. Posez la question à votre maman parce que vous n'avez plus aucune idée de ce à quoi ça ressemble l'automne, en Bas-Alpie.
7. Rêvez que votre blondinet parle parfaitement français.
8. Cherchez à traduire « Don't beat yourself up » en français,
alors que cette expression « fait parfaitement sens » dans votre
esprit. Profitez-en pour chercher une traduction de « perfectly makes sense ». Echouez lamentablement. De dépit continuez à vous battre vous-même vers le haut.
9. Recevez les photos du mariage d'un de vos amis. Appesantissez-vous
sur le fait que vous n'avez jamais eu l'occasion de rencontrer sa
femme, parce que vous ne l'avez pas vu, lui, depuis plus de deux ans.
Admirez, outre sa prestance dans un costume, tous ces gens que vous
connaissez réunis pour l'occasion. Réalisez que la vie continue,
là-bas, sans vous.
10. Enfin, veillez à vous entourez de gens prévenants qui ne manqueront pas de vous demander de temps à autre si votre pays ne vous manque pas trop.
Bonus : Afin de pouvoir continuer à pratiquer longtemps (c'est-à-dire sans sauter dans le premier avion pour Paris), assurez-vous de communiquer sur place et à distance avec quelques personnes adorables et / ou optimistes. Ayez aussi un papa télépathe qui vous appelle très peu mais toujours quand vous avez le plus besoin d'entendre sa voix.
A tous ceux à qui j'ai virtuellement parlé récemment, par messagerie instantanée, par échange d'e-mails ou de commentaires bloguesques, merci. C'est grâce à vous que le moral reste bon.