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American Rhapsody
24 août 2006

182 - Une journée avec Krazy Kitty

06h36. Je me réveille. Ah tiens, je suis réveillée. Ah tiens, y a un petit rayon de soleil faiblard dans le coin. Ah tiens, j'ai chaud. Ah tiens, c'est tout calme ici. Ah tiens, la radio ne fonctionne pas, il n'est donc pas l'heure de mon réveil. Ah tiens, il est tôt.

06h39. Je doute sérieusement que ça vaille la peine de me rendormir pour maintenant, quoi, ving-huit minutes. Et puis je suis réveillée, là, vous m'entendez le chat, réveillée ? C'est que depuis que j'ai vu le Nestor Burma avec Michel Serrault  qui vouvoie son chat, je vouvoie mon chat. Le fait que je n'aie pas de chat est un inconvénient tout à fait mineur. Parfois, à la place, je vouvoie ma vieille souris en peluche, mais on se connait depuis mes six mois, alors elle le prend un peu mal. Et je ne voudrais pas vexer ma souris.

06h42. Je suis quand même bien dans mon lit, à m'étirer le matin. Je fais craquer mon épaule baladeuse - j'ai une épaule qui ne tient pas en place, elle est insupportable, toujours à vouloir se rapprocher de la nuque ou s'éloigner des côtes. Je remet mes hanches en place. En fait je suis une épave humaine, mon corps le matin est un ramassis de muscles, de tendons et d'articulations incapables de fonctionner tant que je ne les ai pas soigneusement mis en route, avec amour, comme les voitures à manivelle d'avant. Si j'étais sportive et en pleine forme, ça se saurait, hein. Pas vrai le chat ?

07h02. Bon allez, debout. Ouvrir les stores et la fenêtre. Faire le lit. Réveiller Totor. Oui c'est mon ordinateur, Totor. En vrai il s'appelle Chicago, mais bon Totor c'est son petit nom. Faut pas confondre avec le boa constrictor que j'avais quand j'étais petite et que j'appelais Totor parce que "constrictor" j'avais un peu de mal à le dire. Tout ça me fait penser à "Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors" - les amateurs de Fred Vargas apprécieront. Je suis amoureuse de Fred Vargas, enfin, plutôt de son écriture, la madame, je ne la connais pas. Bref.

07h04. Je relève mes e-mails. Quelques commentaires sur AmRhaps. Deux questions d'élèves, envoyées au milieu de la nuit, comme s'il était sage de travailler encore à ces heures quand on a un examen le lendemain. Du spam. Répondre aux élèves - heureusement les questions qu'ils se posent à une heure avancée de la nuit sont au niveau de mon cerveau embrumé au réveil.

07h15. Je m'empare de ma panoplie de TA[1] : jean, T-shirt pas trop décolleté, et direction la douche. Oui, avec des sous-vêtements aussi, ne soyez pas idiot le chat. Shampoing, douche, déodorant, crème hydratante, visage, crème hydratante - pour le visage, cette fois, le chat, ne soyez pas si obtus -, produit pour structurer (sic) mes boucles (re-sic, ne riez pas le chat!), un trait de crayon ocre sur les paupières, eye-liner, mascara. Ca me donne peut-être l'air d'avoir vingt-six ans, mais au moins mes élèves ne me soupçonnent pas d'être plus jeune que la majorité d'entre eux.

07h35. Cuisine. J'ouvre la porte, dis bonjour à la plante verte, il fait frais, c'est agréable. 21°C selon Totor. Cafetière, eau, café, fermer, plaque électrique. Réfrigirateur, jus de pamplemousse, yaourt. Fruits, peler, couper. Eteindre la plaque électrique. Céréales. Verser le café. Direction ma chambre.

07h45. J'ai encore oublié mon pyjama dans la salle de bains. Je vais le chercher. En profite pour laver mes lunettes au passage.  Roublie mon pyjama. Retourne le chercher. Il est temps que j'avale ce petit-déjeuner. Ce que je fais, en bonne geekette, en relevant les dernières nouvelles du monde sur mon ordinateur. Il fait déjà 29°C.

08h18. Il est temps de me préparer à partir. J'enfourne mon ordinateur dans un sac en bandoulière, le manuel, ma pochette et une veste dans mon sac à dos. Prépare Popaul et ses écouteurs. De même que Totor est un ordinateur, Popaul est un iPod, c'est quand même pas bien compliqué. Dernier passage aux toilettes, brossage de dents, crème solaire, vaisselle.

08h30. Allez zou. Je mets ma montre, enfile la bague de fiançailles de mon arrière-grand-mère, charge le sac à dos sur mon dos et le sac bandoulière en bandoulière, il est des jours où mon originalité m'affolerait presque. Bataille pendant quelques secondes avec les écouteurs de Popaul, car j'ai clairement un problème psycho-moteur quand il s'agit de mettre des écouteurs sur mes oreilles - oui, et aussi dans les descentes pentues, mais c'est une autre histoire.

08h50. J'arrive dans ma salle. Huit rangées de tables noires, ces petites tables avec chaises attachées, le tout en plastique et d'un inconfort notoire. Pas de fenêtre. Un tableau blanc immense, un rétroprojecteur au plafond et une énorme console de contrôle. Un pupitre sur l'estrade. Affolés par l'idée de leur examen, beaucoup d'élèves sont déjà là. La prof est en train de les faire s'asseoir de façon plus espacée.

09h00. L'examen commence. Les premiers retardataires hâtent le pas dans le couloir.

09h05. Presque affalée sur le pupitre, j'ai déjà compté quatre fois les élèves, donné des énoncés à trois retardataires, et je commence à comprendre que les quatre-vingt cinq prochaines minutes vont être longues. Pendant une heure et demie, je réponds à quelques questions sur l'énoncé, surveille, surveille, et surveille encore, marche en long et en large, échange quelques mots avec la prof, ramasse des copies. J'ai enfilé ma veste à 9h45 et je grelotte depuis 10h15.

10h45. Le cours reprend après quinze minutes de pause. Les élèves sont en forme, beaucoup plus alertes que d'habitude - la pression retombe... Pour une fois, ils participent activement en classe. Moi, je commence à lire leurs devoirs à la maison - non sans une certaine stupéfaction face à la capacité de certains à comprendre à côté de la plaque. Non le chat, je ne parle pas de vous, ne soyez-pas si susceptible.

11h30
. La prof décide d'écourter le cours. Nous discutons un peu du devoir à la maison, de la façon dont je dois le noter. Et prenons rendez-vous pour le lendemain 10h pour corriger l'examen. Une correctrice est en moi, je le sens, je le sais. Et puis de toute façon cette saleté de test de Belbin dit que je suis une finisseuse, mais pas au sens mafieux du terme, au sens petit et bas, au sens de la chieuse perfectioniste qui enquiquine ses collègues et n'est jamais satisfaite de leur travail. Il a pas vraiment tort, Belbin, dans l'affaire, mais je tiens à préciser que quand mes collègues en foutent plus qu'une demi queue de prune, j'arrive assez souvent à apprécier leur travail. Perfectioniste anxieuse, mais pas aigrie non plus, faudrait pas confondre, le chat, vous m'entendez. Finisseuse, donc, correctrice, pouf pouf, ma vie en est éclairée, c'est pas rien de le dire. Menfin... J'ôte courageusement ma veste, remballe mes affaires, et prends la direction du soleil et de mon chez moi.

12h00. J'arrive chez moi en nage. Il fait 32°C à l'ombre et il n'y a pas d'ombre, et les poids combinés de l'ordinateur dont je me suis à peine servie aujourd'hui, du manuel de mille cent pages, et des quarante-cinq copies n'arrangent pas l'affaire. Je me déleste du tout avec délectation, troque mon jean pour un short, prépare le déjeuner, déjeune.

12h30. Et la saga des corrections peut commencer. Classer les copies par ordre alphabétique, ouvrir le fichier de notes et attribuer un 0 à chaque problème pour tous ceux qui n'ont pas rendu leur devoir, sortir les post-it, un stylo bleu. Personne n'écrit en bleu ici, alors le bleu ou le vert, c'est idéal pour les copies. Choisir l'ordre dans lequel je corrigerai les problèmes. Me lancer.

16h30
. J'ai corrigé deux problèmes, fait une énorme pause, repéré un sacré nombre de devoirs similaires. C'est à ça que me servent les post-it. A noter sur une copie à laquelle elle me semble étrangement ressembler. Et je m'étonne toujours autant de la facilité avec laquelle les élèves éludent une partie de l'énoncé ou le comprennent de travers. C'est là-dessus qu'ils perdent le maximum de points, pas vraiment sur de la compréhension au fond. C'est vraiment regrettable. Et puis, il faut dire que ceux qui suivent les cours d'été, ce sont soit des élèves proches du diplôme et à qui il manquait quelques cours pour l'avoir en juin avec les copains, soit des élèves doués qui veulent faire les choses plus vite. Et ça se voit. Une de mes meilleures élèves est à la fac depuis même pas un an.

17h00. Je descends prendre le courrier, me dégourdir les jambes. Je ne peux plus voir ces copies en peinture. En remontant, je m'attelle plutôt à mon article. Je fais surtout de la mise en forme, mon cerveau marche au ralenti. Une autre pause, un peu plus tard.

18h30. Je m'y remets. Cette fois, je corrige trois problèmes en moins de deux heures. "Ca, ça va épater le chat". Il faut dire que ce sont les plus facile à noter.

20h20. Je ne sais pas si j'ai faim, mais je n'ai plus très envie d'entendre parler d'IA, et surtout, j'ai envie d'écrire. Tiens donc...

21h00. Il serait peut-être temps que je fasse à dîner, là, et que j'arrête de penser à mes copies ? Ou aux nouvelles qui m'attendent demain matin ? Hein, qu'en pensez-vous, le chat ?

[1] Teaching Assistant, vague équivalent du chargé de TD français. Mon job quoi.

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Commentaires
K
Ménille > Je crois qu'on va s'entendre, toi et moi !
M
Non, bien vrai ?... Les phrases comportant "rédiger" et "thèse" sont bannies de ton blog ?...<br /> <br /> Oh, Kitty, mon rayon de soleil, tu es dans mes favoris à vie !!!...
K
Ménille > J'avais pas dit que les phrases comportant "rédiger" et "thèse" étaient bannies de ce blog ? Bah tiens, j'aurais dû. (En même temps, trouver un sujet sous lequel regrouper tout ce que j'ai commencé à faire en un an serait déjà bien. Très bien.)
M
J'adore corriger des copies, détrompe-toi.<br /> <br /> Rédiger ma thèse et affronter mon directeur, mon angoisse de la biblio, la rapidité de certaines collègues comparée à ma propre lenteur, etc, etc... beaucoup moins.
K
Ménille > Bah alors, et le plus beau métier de le monde tout entier dans sa splendeur ? Hein ? T'aimes pas corriger des copies ? Pfff.... ;-)<br /> <br /> Philippe > En même temps je lui cause Ingliche, au soipon, alors il va pas remarque que je le vouvoie.<br /> <br /> JM > Il travaille, mon brave monsieur. Du moins jusqu'à 17h, après... On passe pas nos vies collé l'un à l'autre, non plus, hein.
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