136 - Pendant ce temps, dans le Massachusets
*** Attention, âmes sensibles ou à la recherche de petits lapins gambadant dans l'herbe verte des prés s'abstenir ***
Pendant que la France se divise autour de la position de Ségolène Royal sur l'éducation et la répression militaire ; pendant qu'en ces temps de fin d'année scolaire certains d'entre nous essaient d'évaluer les méthodes éducatives de nos enseignants et de déterminer ce qui différencie un bon prof d'un mauvais ; pendant que Marvin Minsky développe ses théories sur l'apprendre à apprendre ; pendant que, moi-même, je réfléchis à ma propre éducation, ce qu'elle a eu de bon et ce qu'elle a eu de mauvais ; pendant ce temps, donc, certaines écoles comme le Judge Rotenberg Education Center (JRC) de Canton, Massachusets, ne s'embarassent pas de telles questions.
En effet, selon un article du Boston Globe [en], là-bas, on dresse les gamins comme les chiens policiers, à coup de chocs électriques. Le petit Bill rêvasse ? Décharge. La petite Marie bavarde ? Décharge. Le rapport rédigé par l'état de New York (oui, car bien que l'école soit dans le masse-ta-chaussette, deux tiers de ses élèves viennent de l'état de New York, qui a jugé bon de s'en préoccuper) [pdf, en] est éloquent, et une lecture en diagonale suffit à donner la nausée.
Et voilà le dernier recours trouvé pour éduquer des "enfants à problèmes" ("autistes, mentalement retardés ou souffrant de problèmes comportementaux"), dont les problèmes comportementaux n'ont pas pu être réglés, par, je cite, "d'autres moyens de contrôler leur comportement tels que l'hospitalisation ou les médicaments". En même temps, ça a l'air autrement plus reposant pour les éducateurs que Summerhill [fr].
Selon le rapport de l'état de New York, aucune amélioration générale des comportements ou résultats scolaires n'apparaît vraiment de façon évidente. Je ne sais pas pourquoi je ne suis pas surprise. (Qui a dit qu'on ne faisait pas de mauvais esprit sur ce blog ?).
Il semblerait que le JRC conteste violemment le dit rapport, assurant n'avoir jamais été en contravention avec aucune loi fédérale, émise par la Food and Drugs Administration[1] ou l'état du Massachussets... on se demande bien pourquoi.
On notera au passage l'émouvant témoignage de Marcia Shear de Long Island, qui raconte comment ce traitement de chocs (sans jeu de mots, hélas), a sauvé la vie de sa fille, qui se donnait des coups de poings si fréquents dans la figure qu'elle s'en était décollé les deux rétines. Après avoir reçu quelques électrochocs, la jeune Samantha, 13 ans, a arrêté l'auto-mutilation. Il faut croire qu'elle n'avait plus besoin de se punir, on s'en chargeait pour elle.
"Je suis furieuse contre ces personnes et ces ordures qui pensent savoir ce qu'ils font. Faites les vivre avec mes enfants et traverser ce que j'ai traversé pendant onze ans", commente cette mère en parlant de ceux qui osent s'attaquer à l'école. Comme d'autres parents, elle soutient l'école et reproche aux autorités de ne pas réaliser à quel point les problèmes de leurs enfants sont graves et justifient ce genre de traitement.
On pourra opposer au poignant récit de Marcia Shear (merci Marcia - je sais, porter un nom de personnage des Peanuts, ce n'est pas facile, surtout celui de la fille qui appelle Peppermint Patty "Sir" [2]) celui d'une élève anonyme, relaté en dernière page du rapport de New York. "Une élève a affirmé se sentir déprimée et apeurée, exprimant de façon très cohérente son désir de quitter le centre. Il ne lui est pas permis d'initier une conversation avec aucun des membres du personnel. Elle a ajouté n'avoir personne à qui parler de ses sentiments ou de sa dépression et de son désir de se donner la mort, et a dit à l'équipe qu'elle songeait au suicide chaque jour. Sa plus grande peur est de rester au JRC jusqu'à ses 21 ans".
No comment, Krazy Kitty, no comment. Les tâches de sang sur les murs, ça fait crade, d'abord.
[1] Ce qui me rappelle que je voulais vous toucher un mot sur la confiance aveugle des Américains dans la FDA... Enfin, je veux bien avoir confiance dans les avis du ministère de la Santé, il est a priori plus qualifié que moi sur le sujet, mais j'aime bien lire quelques études avant d'avoir une opinion définitive sur le sujet. Comme par exemple l'usage du fil dentaire - ici on recommande son usage quotidien, alors qu'en France, ma foi, le fil dentaire, on ne m'en a jamais trop parlé. Bon d'accord ça n'a pas grand chose à faire là mais ça m'a traversé l'esprit, quoi.
[2]
Le personnage des Peanuts s'appelle Marcie et non Marcia, mais un peu
de mauvaise foi ne fera que donner plus d'emphase à mon propos. Comment
ça, non ?